Depuis les années ’90, le traitement de la sclérose en plaques (SEP) est devenu une réalité. Les premières thérapies, injectables, ont permis d’obtenir des résultats tout à fait significatifs mais parfois insuffisants. Si elles restent d’utilisation courante et bien utiles en première ligne, elles sont néanmoins confrontées à un inconfort certain. Le développement de médicaments par voie orale était attendu de longue date.
Sur le marché
La Cladribine a été la première molécule qui a fait l’objet de deux études internationales multicentriques randomisées en double aveugle. Il s’agit d’un médicament cytostatique (utilisé en cancérologie) qui a montré des résultats très prometteurs. Son développement a été suspendu pour des raisons de sécurité. Une réévaluation est en cours.
Le Fingolimod (Gilenya®) est le deuxième médicament par voie orale qui a été étudié. Trois essais internationaux ont été réalisés pour aboutir à une approbation par les autorités européennes en mars 2011. Une efficacité élevée a été démontrée sur la fréquence des poussées et les paramètres IRM. Ce médicament agit sur un récepteur spécifique (S1P1) qui est « absorbé » à l’intérieur des cellules de l’immunité impliquées dans le développement de la maladie (lymphocytes). Ces cellules sont, par ce mécanisme, bloquées dans les tissus lymphoïdes de réserve et leur taux diminue nettement dans le sang circulant. La présence du même récepteur sur les fibres de conduction électrique du cœur et au niveau de la rétine nécessite une surveillance initiale étroite au début du traitement. Il est également nécessaire de vérifier régulièrement les paramètres sanguins (taux de lymphocytes et tests hépatiques). Son utilisation est, pour ces différentes raisons, réservée aux patients en rechute malgré un traitement de première ligne ou dans des situations de SEP agressive.
Le Teriflunomide (Aubagio®) est approuvé en Europe depuis août 2013, à la dose de 14 mg une fois par jour. Il s’agit d’un dérivé d’un médicament très voisin d’une autre molécule, utilisée depuis plus de 15 ans dans la polyarthrite. Le médicament bloque une enzyme nécessaire à la prolifération des lymphocytes activés. La réponse immunitaire aux infections est ainsi globalement préservée. L’efficacité de ce médicament a été testée dans trois grandes études internationales, non seulement dans les formes rémittentes de la maladie mais également à la phase précoce, après un premier événement. La réduction du taux de poussée est très proche de celle observée avec les médicaments injectables de première ligne et un effet favorable sur la progression du handicap à court terme a pu être confirmé. Ce médicament est placé en première ligne dans l’arsenal thérapeutique. Sa tolérance est globalement bonne mais une surveillance étroite des paramètres sanguins doit être assurée, en particulier au cours des premiers mois (taux de globules blancs et tests hépatiques). Parmi les effets indésirables les plus fréquents, on retiendra des signes digestifs et un amincissement des cheveux. L’utilisation d’une vitamine est recommandée si cela survient. Le médicament est présent dans l’organisme de façon très prolongée et son utilisation est formellement contre-indiquée pendant la grossesse et la conception. Une procédure d’élimination de la molécule peut être aisément utilisée.
Le Dimethyl Fumarate (Tecfidera®) est approuvé en Europe, comme traitement de première ligne, depuis février 2014, à la dose de 240 mg deux fois par jour. Ce médicament est très voisin d’un produit utilisé depuis plus de 20 ans en Allemagne dans le traitement d’une maladie dysimmunitaire de la peau (le psoriasis). Le mécanisme d’action exact n’est pas parfaitement connu mais des données multiples confirment une action immuno-modulatrice et anti-inflammatoire. Des arguments en faveur d’un effet neuroprotecteur par réduction du stress oxydatif ont été démontrés. Deux grands essais internationaux multicentriques ont confirmé un impact très favorable sur la fréquence des poussées et sur les paramètres IRM. Les effets indésirables les plus fréquents sont digestifs et sous la forme d’une rougeur cutanée diffuse (« flush ») peu après la prise du médicament. Ces effets s’atténuent au cours du temps et sont limités lorsque le traitement est instauré de manière progressive avec une prise au moment des repas. Une surveillance des paramètres sanguins (taux de lymphocytes et tests hépatiques) est nécessaire. Récemment, de manière exceptionnelle heureusement, des cas d’infection cérébrale grave par un virus (leucoencéphalopathie multifocale progressive due à une infection par le virus JC) ont été décrits. Une surveillance régulière est indispensable.
Et d’autres pistes…
D’autres médicaments ont été testés ou sont toujours en cours d’évaluation. Le Laquinimod a montré des effets très intéressants sur les paramètres d’atrophie mais son impact sur la fréquence des poussées n’a pas été jugé suffisant. Des molécules de seconde génération qui agissent sur des sous-groupes des récepteurs S1P sont également à l’étude. On peut également mentionner des essais avec de hautes doses d’hypolipémiants (statines) et un produit (Firategrast) qui exerce un effet de blocage sur l’entrée des lymphocytes dans le système nerveux central, tout comme le Natalizumab (Tysabri®).
Grâce à la recherche, l’arsenal thérapeutique s’enrichit constamment et permettra, à court et moyen terme, de proposer aux patients des thérapies plus ciblées, plus confortables, et plus personnalisées.
Dr Dominique Dive, CHU de Liège