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Traitement de la SEP: au plus tôt au mieux?

Il semblerait qu'il existe une « fenêtre d’opportunité » au cours de laquelle il est possible de faire pencher la balance à un stade précoce de la maladie.

 Le traitement précoce de la maladie permet-il de prévenir les dommages irréversibles et les aspects neurodégénératifs ?

Argument lié à la physiopathologie

traitement de la SEPDans l’état actuel de nos connaissances en physiopathologie, nous savons qu’au stade récurrent-rémittent (SPRR), c’est-à-dire au début de la maladie, c’est le système immunitaire périphérique et adaptatif qui semble jouer le rôle principal. Celui-ci active les lymphocytes B et T autoréactifs qui profitent d’une dégradation de la barrière hémato-encéphalique pour pénétrer dans le système nerveux central (SNC). Ces cellules provoquent une inflammation focale, dont la conséquence clinique se traduit par une crise. Ce mécanisme active des réponses inflammatoires non adaptatives dans le SNC, imputables avant tout à la microglie et aux astrocytes activés.
D’autre part, l’inflammation focale d’origine, qui s’accompagne d’un processus de section axonale et de démyélinisation, épuise les réserves fonctionnelles du SNC, ce qui déclenche des processus dégénératifs secondaires comme une dégradation mitochondriale, une excitotoxicité et un stress oxydatif.
Un traitement précoce se justifie donc d’un point de vue physiopathologique par trois arguments. Primo, notre actuel arsenal de traitements cible avant tout le bras adaptatif du système immunitaire et affiche généralement une intensité restreinte à travers la barrière hémato-encéphalique, si bien que par définition, il fera effet surtout au début de la maladie. Secundo, un traitement précoce est supposé aider à prévenir une activation de l’inflammation non adaptative du SNC. Tertio, un traitement précoce efficace peut inhiber les pertes de réserve fonctionnelle qui enclenchent d’autres processus dégénératifs.

Argument lié à l’épidémiologie

Notre connaissance du mécanisme pathologique de la SEP est lacunaire, sans compter que l’hypothèse qui précède (avec ses différents arguments) est remise en question. Pouvons-nous dès lors confirmer cette théorie par des observations sur l’évolution clinique de la maladie telle qu’elle se manifeste chez les patients ?

Fondamental, l’article du Prof ’Edan et al. publié en 2010 est souvent cité en référence. Cet article explique qu’au sein d’un groupe de patients SEP, la maladie évolue effectivement en deux phases différentes. La durée de la phase 1 (EDSS de 0 à 3) se révèle variable, tandis qu’à la phase 2 (EDSS de 3 à 6), l’évolution se fait à une vitesse équivalente, indépendamment de la rapidité ou de la lenteur de la phase 1. Les chercheurs ont en outre remarqué que dans le groupe de patients atteints d’une SPRR, la durée de la phase 1 était influencée par le sexe, l’âge à l’apparition de la maladie et l’historique des crises.

Ces données épidémiologiques montrent que la SEP se comporte en effet comme une maladie en 2 phases ; dans ce contexte, les chercheurs spéculent sur le fait que la variabilité de la première phase est à mettre en corrélation avec une variation dans l’activité inflammatoire focale, et que la 2e phase reflète les aspects inflammatoires et neurodégénératifs plus diffus de la maladie, avec un déroulement indépendant de la phase d’inflammation focale initiale. Cela renforce assurément l’idée d’une « fenêtre d’opportunité » au cours de laquelle il est possible de faire pencher la balance à un stade précoce de la maladie.

Argument lié aux thérapies

traitement de la sclerose en plaquesMaintenant que nous avons établi que nos connaissances sur la biologie de la maladie ainsi que les observations concernant son déroulement appuient la théorie d’un traitement précoce, le test décisif consiste évidemment en une intervention thérapeutique.

Une étude de Mar Tintoré (2015) indique qu’au sein d’une cohorte de patients présentant un syndrome cliniquement isolé (SCI), la probabilité d’atteindre un niveau 3 à l’EDSS dépend clairement de facteurs inflammatoires, entre autres le nombre de lésions identifiées sur le premier scan ou la présence de bandes oligoclonales, mais elle prouve surtout que la prise précoce d’une TMM (avant la 2e crise) réduit significativement le risque de franchir ce seuil fatidique. En d’autres termes, un traitement précoce semble jouer un rôle dans la prévention du passage à la phase 2 de la maladie.

De même, des données à long terme provenant d’études sur des patients traités au stade du SCI (Kappos et al, 2016) indiquent que la durée totale d’un traitement à base d’interférons réduit le risque d’évolution en SEP progressive secondaire (SPPS). Ces données concernant généralement un traitement de première intention, classique et moins puissant, du type interféron, il y a un réel espoir que des stratégies de traitement plus récentes et plus efficaces contribueront à réduire encore le risque de progression du handicap. Malheureusement, à l’heure actuelle, nous n’avons pas suffisamment de recul en la matière pour corroborer cette théorie. Il se peut qu’un suivi de l’atrophie cérébrale (un marqueur des composants plus dégénératifs et progressifs de la maladie) nous permette d’évaluer l’aggravation de l’incapacité. L’ocrélizumab et l’alemtuzumab ont montré qu’ils freinaient l’atrophie cérébrale plus efficacement qu’un traitement classique à base d’interférons. Des données de suivi de l’alemtuzumab sur 6 années (CARE MS 1&2) indiquent même une réduction de cette atrophie, ramenée dans une fourchette normale, au cours de cette période relativement longue. Il reste à espérer qu’il en découlera une meilleure prévention de la maladie progressive à long terme.

Conclusion

Les données relatives à la pathologie fondamentale, au déroulement de la maladie et aux interventions thérapeutiques confortent la théorie qu’un traitement efficace précoce aide à prévenir l’aggravation du handicap et l’évolution de la maladie vers une forme progressive.

Guy Laureys
Maladies neuro-inflammatoires
Service de neurologie de l’UZ Gent

P.-S. Les articles cités sont disponibles sur demande : info@fondation-charcot.org.