Tout comme dans un système électrique domestique, l'information nerveuse chemine le long des fibres à une vitesse élevée (50 à 70 m/s). La cellule nerveuse émet un long prolongement (l'axone) qui est entouré d'une gaine (la myéline). Cette gaine a des propriétés biologiques et physiques qui permettent à l'information électrique d'être transmise plus rapidement et avec plus de précision. Lorsque la gaine de myéline est abîmée par une agression inflammatoire, comme c'est le cas dans la SEP, la transmission de l'influx nerveux est ralentie voire complètement bloquée. Les fibres nerveuses sont organisées en faisceaux (qui contiennent un nombre très important d'axones). Certains faisceaux transmettent des informations motrices, d'autres, visuelles, d'autres encore, sensitives, par exemple. Au sein du cerveau et de la moelle épinière, tous les faisceaux sont très précisément organisés et leur fonctionnement est soumis à un contrôle complexe. Ainsi donc, le système nerveux central peut être comparé à une immense centrale électrique où des câbles sont regroupés en voies principales et secondaires.
Progrès des méthodes d'imagerie
Lorsque les techniques d'imagerie n'étaient pas ce qu'elles sont devenues aujourd'hui, il n'était pratiquement pas possible de visualiser les zones où le tissu nerveux était l'objet des lésions de SEP. Pour que le diagnostic soit posé, il était indispensable de démontrer que le système nerveux central était la cible d'une maladie inflammatoire grâce à l'analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) et que plusieurs épisodes distincts de déficit étaient survenus au cours du temps. Les techniques de neurophysiologie ont permis, grâce à des mesures de conduction des voies nerveuses centrales, de détecter des anomalies alors que le patient ne présentait pas forcément de symptômes dans le domaine exploré. Ainsi, les potentiels évoqués visuels, par exemple, sont devenus un outil très utile pour détecter des anomalies des conductions optiques alors que le patient n'avait pas plaintes spécifiques. Dans ces conditions, ils ont permis d'apporter des arguments de diagnostic qui ne pouvaient pas être obtenus d'une autre manière. L'avènement de l'IRM, à la fin des années '80, a complètement modifié la situation. Elle a permis de voir certaines lésions et de les caractériser. Les progrès des méthodes d'imagerie ont été essentiels dans la compréhension des mécanismes de la maladie et dans le suivi des patients. Elles ont été, et restent aujourd'hui, un élément clé dans la démonstration de l'efficacité des traitements qui se sont développés et étoffés.
Un parfum de futur
Si l'IRM apporte des informations précieuses sur l'anatomie des lésions, elle n'en demeure pas moins un outil qui reste éloigné des conséquences fonctionnelles de ces lésions. C'est de manière indirecte et souvent peu précise, du moins dans des conditions de suivi clinique « classique », qu'elle évalue la perte en fibres (axonopathie).
Les techniques de neurophysiologie sont basées sur un principe simple. A l'aide d'une stimulation, l'examinateur modifie les activités électriques de certaines voies nerveuses et peut enregistrer, à distance, un changement de l'activité de base. L'exemple des potentiels évoqués visuels est le plus aisé à comprendre. Le patient fixe un point sur un écran qui va provoquer une stimulation répétée de la rétine de l'œil. L'électroencéphalogramme (EEG) est enregistré au niveau de la région visuelle du cerveau et les modifications des activités sont traitées pour extraire l'activité électrique directement induite par la stimulation. Cette activité électrique induite porte le nom de « potentiel évoqué ». Les progrès de l'informatique ont rapidement permis d'obtenir des enregistrements de grande précision qui mesurent des potentiels de quelques millionièmes de volt, survenant quelques millièmes de secondes après la stimulation. Initialement développées pour l'étude des voies visuelles, ces techniques ont permis d'explorer d'autres structures : les voies auditives qui se trouvent dans le tronc cérébral, les voies sensitives des quatre membres, qui empruntent de longs faisceaux de la moelle épinière, et les voies motrices. Dans ce dernier cas, la stimulation doit être appliquée au niveau cérébral par un aimant (stimulation magnétique corticale).
De nos jours, les techniques de neurophysiologie ne sont devenues qu'un appoint au diagnostic. Par contre, elles permettent d'obtenir des informations précieuses et quantifiées sur la fonction des différentes voies explorées. Elles peuvent être combinées pour définir des index qui sont beaucoup plus proches de la réalité clinique fonctionnelle que ne l'est l'anatomie des lésions. Les développements récents sont susceptibles d'étudier plus précisément la perte en fibres. Malheureusement, la mise en œuvre de ces techniques requiert une très grande précision de la méthodologie utilisée et est consommatrice de temps.
Intégrées à un ensemble de données, les techniques de neurophysiologie apportent donc des informations complémentaires qui permettent de suivre plus précisément les patients. Si elles ont un goût du passé, elles ont pris un parfum de futur.
Dr Dominique Dive, CHU de Liège